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Un autre regard sur la Terre

Espace, satellites, observation de la Terre, fusées et lancements, astronomie, sciences et techniques, etc. A l 'école ou ailleurs, des images pour les curieux...

Verdun : 100 ans après, le souvenir de la première guerre mondiale, des cicatrices visibles depuis l’espace et les débuts de la photographie aérienne

Publié le 4 Novembre 2014 par Gédéon in Quizz-du-mois

Première guerre mondiale - Verdun Juillet-1916Verdun, sur la rive de la Meuse : les dégâts de la guerre en juillet 1916.
Source : www.premiere-guerre-mondiale-1914-1918.com (collection Gilbert Bracquemont)

 

Personne n’a trouvé la réponse au quiz du mois de septembre… Nous sommes en Lorraine, dans le département de la Meuse. L’extrait de l’image est centré sur la ville de Verdun, qui surplombe la Meuse. Le cours du fleuve est bien visible : la Meuse traverse l’image du sud vers le nord, légèrement en diagonale. La Meuse a longtemps été un des fleuves matérialisant la frontière entre le Royaume de France et le Saint-Empire Romain Germanique.

 

Verdun - Grande Guerre - Google Earth - Emprise quizLa réponse du quiz du mois de septembre 2014 : Verdun et la Meuse, en Lorraine. Extrait d’une
image acquise le 26 septembre 2014 à 10h29 UTC par le satellite Landsat 8 et affichée ici
dans Google Earth. Crédit image : US Geological Survey.

 

2014-2018 : centenaire de la Première Guerre mondiale

Après le 70ème anniversaire du débarquement de Normandie, 2014, avec le 96ème anniversaire de l’Armistice du 11 novembre, est également l’année du démarrage des commémorations du centenaire de la Première guerre mondiale. C’est l’occasion de rendre hommage à toutes les victimes de la Première Guerre mondiale.

 

Pourquoi Verdun ? « Une guerre tout entière contenue dans la guerre »

Le formule est de Paul Valéry : la bataille de Verdun, entre le 21 février 1916 et le 19 décembre 1916, est l’une des principales batailles de la Première Guerre mondiale. Elle est particulièrement emblématique : la plus grande partie du contingent français, 70 des 95 divisions de l'armée française, a participé par rotation aux combats à Verdun.

C'est la plus longue et l'une des batailles les plus dévastatrices de la Première Guerre mondiale et de l'histoire de la guerre : 306000 morts ou disparus (163000 français, presque 12% des morts français pendant la première guerre mondiale, 143000 allemands) et environ 400000 blessés. L’artillerie a causé 80% des pertes. Courage, abnégation et folie meurtrière…

 

1914-1918 - Tranchée française près de VerdunPendant la première guerre mondiale, une tranchée française près de Verdun.
Source : www.premiere-guerre-mondiale-1914-1918.com

 

Pour en savoir plus sur la bataille de Verdun, je vous renvoie aux nombreux sites, officiels ou personnels, très bien documentés avec des témoignages très émouvants. Je me suis appuyé sur ceux cités à la fin de ce texte pour préparer cet article. Je remercie vivement les webmasters, notamment Jean-Michel et Cédric, du site www.premiere-guerre-mondiale-1914-1918.com, qui m’ont autorisé à utiliser certaines illustrations. 

En ce qui me concerne, j’aborde deux sujets dans cet article assez long (c'est souvent le cas pour les réponses des quiz) :

  • Les conséquences et les traces de la guerre visibles dans le paysage de 2014.
  • Le développement de la photographie aérienne pendant la première guerre mondiale.

Si vous avez des photographies qui peuvent compléter ces explications, ajoutez un petit commentaire.

 

Des cicatrices visibles depuis l’espace

L’image du quiz est présentée en couleurs naturelles avec un contraste volontairement accentué pour mettre en évidence les différents types de végétation. Au moment de la bataille de Verdun, la ligne de front traversait les zones agricoles et boisées au nord de Verdun and s’incurvait ensuite dans la direction sud-est à travers la bande de forêt à l’est du fleuve.

 

Bataille de Verdun - Carte évolution du front - 1915-1916Une carte montrant l’évolution de la ligne de front pendant la bataille de Verdun

 

Une comparaison attentive du fond de carte et de l’image satellite permet de constater qu’il y a moins de surface boisée en 1914 qu’en 2014.

 

C’est vert ? Nous sommes dans la zone rouge

Zone rouge : c’est le nom donné juste après la guerre aux surfaces les plus gravement affectées par les conséquences des combats (munitions non explosées, pollution chimique notamment le mercure et l’arsenic, les cadavres). l’État a été amené à interdire provisoirement ou définitivement certaines activités dans 11 départements. Dans la Meuse, les environs de Verdun en font partie. 60 millions d’obus ont été utilisés à Verdun. 25% de ces munitions n’auraient pas explosé…

 

Esne - 19 juillet 1916 - Photographie aérienne - Ruine 

Au nord-ouest de Verdun, les ruines d’Esne en Argonne.
Photographie aérienne prise le 19 juillet 1916

 

A côté des très lourdes pertes humaines, la Bataille de Verdun a également bouleversé en profondeur la région. Neuf villages (Beaumont-en-Verdunois, Bezonvaux, Cumières, Douaumont, Fleury-devant-Douaumont, Haumont-près-Samogneux, Louvemont-Côte du Poivre, Ornes, Vaux-devant-Damloup) ont été totalement détruits. Les dégâts causés par les longs mois de guerre de tranchée, les tranchées elles-mêmes, les cratères d’obus, les munitions non explosées, les résidus de gaz toxiques furent si importants que six d’entre eux n’ont jamais été reconstruits. Ils font désormais partie des lieux de mémoire de la région avec les cimetières et les monuments des nombreux lieux de mémoires de la région.

 

Bezonvaux - Meuse - 1916 - Ravin de la fontaineLe ravin de la Fontaine à proximité de Bezonveaux dans la Meuse dans le canton de
Charny-sur-Meuse. Le « village mort pour la France » n’a jamais été reconstruit.

Source : www.premiere-guerre-mondiale-1914-1918.com (collection Patrice Lamy)

 

En dehors des villes et des villages, même le paysage et la végétation ont conservé les cicatrices de la guerre : les zones transformées en champs de bataille ne pouvaient tout simplement pas retrouver leur fonction initiale de terres agricoles (vignes, prairies, vergers, etc.). La loi du 17 avril 1919 en a transféré la propriété à l’Etat. L’Office National des Forêts fut ainsi chargé de créer et développer la forêt domaniale de Verdun à l’intérieur des zones rouges, sur des terres qui ne sont ni totalement déminées ni dépolluées : chaque année, les services de déminage continuent à neutraliser des munitions.

 

Forêts de guerre

36 millions d’arbres sont plantés dans les 10 années qui suivent la guerre. La surface boisée triple par rapport à la situation en 1914, avec une majorité de conifères. L’ONF remplace progressivement les résineux par des feuillus. Autour de Verdun, tous les arbres ont donc encore moins de cent ans. On trouve des situations similaires dans la forêt de Vimy (Pas-de-Calais) et dans la Somme.

Les sols restent pollués en profondeur. Un point positif pour la biodiversité : quelques espèces animales et végétales ont tiré profit des multiples trous d’obus et du changement de végétation et d’occupation des sol (triton à crête, crapaud sonneur à ventre jaune, grand rhinolophe, fougères et prêles, orchidées et digitale jaune, etc.)

 

Copernicus---Land-monitoring---Verdun---forets.jpgUne carte récente des forêts autour de Verdun. Extrait du produit à haute résolution « HR layer », une 
information du service européen Copernicus Land Monitoring à partir d’images de satellites. La carte
est affichée ici sur Google Earth. Crédit image : Commission Européenne

 

Plus à l’ouest, visible sur l’extrait d’image publié en tant qu’image satellite, on remarque également un contraste étonnant entre la géométrie des parcelles agricoles et les deux îlots de végétation au milieu : ce sont les camps militaires de Mourmelon et Suippes. Une image similaire faisait l'objet d'un des premiers articles du blog Un autre regard sur la Terre.

 

Verdun - Grande Guerre - Google Earth - Emprise indice quizQuizz image - Septembre 2014 - IndiceL’extrait de l’image Landsat 8 utilisé comme indice pour le quiz du mois de septembre.
En haut, l’image affichée sous Google Earth pour donner quelques repères. Crédit image : USGS.

 

Suippes est le deuxième camp militaire de France en superficie. Il a abrité un centre de test des fusées Véronique avec cinq lancements réalisés au début des années cinquante. Le camp de Suippes a est implanté en 1950 sur une des zones rouges du département de la Marne, à l’emplacement des ruines de cinq villages (Tahure, Ripont, Les Hurlus, Perthes, Le Mesnil) détruits pendant la Première bataille de la Marne en septembre 1914.

 

La Voie sacrée : à double sens

Aujourd’hui, c’est la route départementale RD1916, entre Bar-Le-Duc et Verdun. 1916 n’est pas un numéro choisi au hasard… On peut la voir sur l’image satellite, en particulier l’extrait plus large que j’ai publié en tant qu’indice. C’est un autre élément important de la Bataille de Verdun : relativement protégée des bombardements, contrairement aux trois voies ferrées qui rejoignaient Verdun, elle est devenue la seule voie possible pour acheminer troupes, minutions et matériel depuis l’arrière : une file interrompue de véhicules fait la navette dans les deux sens.

Au début de la bataille de Verdun, le sol gelé résiste bien. A partir de mars 2016, le dégel transforme la route en bourbier immobilisant les camions. Remise en état sommairement avec des roches tendres provenant des carrières locales, elle se dégrade en permanence et est continuellement réparée, alors qu’un trafic impressionnant la parcourt dans les deux sens. Tout véhicule tombé en panne ou ayant crevé est immédiatement poussé de côté. Selon Wikipédia, de mars à juin 1916, le trafic mensuel a dépassé 500 000 tonnes et 400 000 hommes sans compter les 200 000 blessés évacués par les services sanitaires.

 

Le Fort de Douaumont

Le nom d’un lieu proche de Verdun est particulièrement emblématique de la bataille de Verdun et de son bilan humain effrayant : Douaumont.

C’est à la fois un des neufs villages disparus et celui d'une forteresse, le Fort de Douaumont. Au somment d’une colline à 400 mètres d’altitude, le site est identifié dès 1874 comme un lieu stratégique et un observatoire privilégié pour surveiller et défendre le nord de Verdun. Le premier ouvrage fortifié est renforcé à plusieurs reprises pour tenir compte des progrès de l’artillerie. En 1914, Avec 500 hommes, le fort de Douaumont est le vaisseau amiral de la place de Verdun.

Forteresse jugée imprenable, Douaumont tombera pourtant aux mains des allemandes le 25 février 1916 pendant la bataille de Verdun, pratiquement sans combats : en septembre 1915, le fort est vidé d'une large partie de ses armes et de ses défenseurs pour apporter des renforts aux offensives en Champagne. L’offensive et le progrès de l’armée allemande surprend la défense française : le fort de Douaumont est pris sans combats et ses 66 défenseurs sont faits prisonniers.

Pendant huit mois, le fort de Douaumont va rester aux mains des allemands et devient un élément important de leur dispositif autour de Verdun.

 

Verdun - Fort de Douaumont avant attaque - 02578Verdun - Fort de Douaumont - Ruines - 02579Deux photographies aériennes du fort de Douaumont, avant 1916,
et après sa destruction en octobre 1916

 

Les français chercheront à le reprendre coûte que coûte. Les bombardements incessants fragilisent l’édifice. Le 8 mai 1916, l'explosion d'un dépôt de munitions souffle le fort et sa garnison avec un bilan humain incertain mais très lourd. Du 22 au 24 mai, une offensive française qui se solde par un échec entraîne la mort de plusieurs milliers d'hommes. Finalement, c’est entre le 21 et le 23 octobre 1916 que l’artillerie lourde de 400 mm écrase la forteresse. Le 24 octobre 1916, les troupes françaises (le régiment d'infanterie coloniale du Maroc (RICM) ren¬forcé par des tirailleurs sénégalais et somalis, le 4e régiment mixte de zouaves et tirailleurs et le 321ème régiment d'infanterie) reprennent un fort de Douaumont anéanti et presque vidé de ses défenseurs.

 

L’Ossuaire de Douaumont

En juin 1920, c'est le site du fort de Douaumont qui est choisi pour le projet d’un ossuaire et d’un lieu de mémoire pour les morts de Verdun. Inaugurée en 1932, la nécropole nationale de Douaumont a été construite pour accueillir les restes de 130 000 soldats inconnus français et allemands. Difficile de ne pas être ému : le nombre de croix fait prendre toute la mesure de la mort de masse pendant la première guerre mondiale. En 1984, c’est dans ce mémorial que François Mitterrand et Helmut Kohl, la main dans la main, sont venus rendre hommage aux combattants des deux camps.

Ce serait plus facile avec une image du satellite Pleiades mais un examen attentif de l'image Landsat 8 permet de repérer l'ossuaire de Douaumon et le site de l'ancien fort. Evidemment, c'est plus facile avec Google Earth à portée de main....

 

Verdun et le soldat inconnu

Le soldat inconnu qui repose sous l’Arc de Triophe à Paris est mort à Verdun. Il a été choisi en novembre 1920 parmi les combattants tombés sur les champs de bataille de la première guerre mondiales (Artois, Somme, Île-de-France, Chemin des Dames, Champagne, Lorraine, Verdun et les Flandres)

 

Sciences et techniques au service de la guerre

Pas de satellites en 1945 et encore moins en 1914 : le premier satellite spoutnik est lancé par les soviétiques en 1957. Dans un article récent sur le débarquement de juin 1944, j’ai évoqué le rôle déterminant de la photographie aérienne dans la préparation des opérations du Jour J.

Je crois qu’on peut affirmer que c’est pendant la première guerre mondiale que l’apport des techniques d’observation et de reconnaissance aérienne a été clairement démontré et que, même si les outils et les méthodes se sont beaucoup modernisées depuis, les principales missions ont été définies à cette époque.

Au moment du déclenchement de la première guerre mondiale, les sciences et les techniques sont en plein boom : à côté des sciences fondamentales, la révolution industrielle est bien là… La première automobile avec un moteur à explosion est brevetée en février 1884. L’avion est à peine plus jeune : en France, le premier vol est réalisé par Clément Ader en 1890, plutôt un saut de puce d’une cinquantaine de mètres qu’il renouvèle en 1897. Les frères Wilbur et Orville Wright, aux Etats-Unis, le suivent en1903. En 1908, Henri Farman boucle le premier kilomètre en circuit fermé.

En 1909, année de l’aviation naissante ? Blériot traverse la Manche. L’aviation est vue alors surtout comme une discipline sportive avec des grands meetings aériens comme celui de Reims, lors de la Grande Semaine de Champagne. C’est également l’année du premier salon de l’aéronautique. En 1913, Roland Garros traverse la Méditerranée du sud de la France vers la Tunisie.

L’utilisation militaire n’est pas complètement absente : en 1911, les italiens, en guerre contre la Turquie en Lybie, emploient pour la première fois des avions pour un usage militaire en larguant des grenades. En 1912, la société anglais Vickers obtient un contrat pour installer une mitrailleuse sur un avion expérimental (EFB1 pour Experimental Fighting Biplane 1, surnommé Destroyer).

 

Cerfs-volants et ballons : souriez, vous êtes filmés…

La photographie est un peu plus ancienne : la première photographie a été prise par le Français Nicéphore Niepce en août 1826. L’invention de Niepce et Daguerre est reconnu en janvier 1839 par l’académie des sciences. Nadar a déjà fait des photographies aériennes à partir d’un ballon.

De 1853 à 1856, la guerre en Crimée entre les troupes de Napoléon III et l’armée russe est le premier conflit militaire couvert par la photographie. Le 23 octobre 1858, Nadar, à bord d’un ballon dirigeable, prend la première photographie aérostatique au-dessus de l’actuel Petit-Clamart. L’idée d’utiliser la photographie aérienne sur le champ de bataille a également été mise en œuvre en 1870 ou pendant la guerre de sécession.

 

Férié n’a pas chômé

On peut également citer les progrès dans le domaine des télécommunications, avec la TSF, le poste à galène et la lampe TM pour « Triode Militaire » mise au point par le général Férié, le composant le plus puissant de l’époque : autant il est possible d’utiliser un téléphone de campagne à bord d’un ballon captif, relié au sol par des câbles, autant la transmission des ordres depuis un biplan demande d’autres moyens. Les pigeons voyageurs, même s’ils restent largement utilisés, montrent assez vite leurs limites…

 

Première guerre mondiale - Avion - Pigeon VoyageurVous pensez à Satanas et Diabolo ? Malgré les progrès de la technologie, les pigeons voyageurs
furent utilisés de manière intensive pendant la première guerre mondiale. Les avions
partant en reconnaissance emportaient plusieurs oiseaux.

 

Malgré les réticences du commandement qui continuait à penser que le meilleur outil de reconnaissance restait la cavalerie, la guerre de 1914-1918 va accélérer le développement de l’aviation et de la photographie aérienne. Inutile de préciser que cela ne s’est pas fait simplement et que c’est la détermination et l’audace de quelques individus innovants, motivés et courageux qui ont fini par convaincre les états-majors de l’utilité de la photographie aérienne. Quelques militaires avaient bien compris l’intérêt du point de vue élevé d’un avion pour observer le champ de bataille, mettant à profit par exemple l’expérience de l’utilisation des ballons captifs pendant la guerre de sécession.

 

1914-1918 - Communications - Cave à VerdunPoste de communication dans une cave de Verdun

 

Pendant la guerre, la photo se développe…

Un papier de Marie-Catherine Villatoux, historienne au Service historique de la Défense, paru en décembre 2010 dans la Revue historique des armées (« Le renseignement photographique dans la manœuvre. L’exemple de la Grande Guerre ») l’explique très bien en mentionnant les résistances initiales des états-majors et la détermination de pionniers comme Pépin, Grout ou Weiller.

En septembre 1914, l’état d’esprit des officiers supérieurs est bien illustré par la réponse du commandant Barès au capitaine Bellenger qui cherche à développer une activité de photographie aérienne : « Si cela vous amuse de faire de la photographie en avion, je n’y voie pas d’inconvénient, mais vous trouverez d’excellents Kodaks dans le commerce à partir de cent sous, et il n’y a pas de raison pour que l’Etat vous les paie ».

 

L’aviation : elle a failli passer à l’as

Idem pour les doutes sur le rôle des avions juste avant la guerre : « L’aviation, c’est du sport. Pour l’armée, c’est zéro ! ». Cette phrase attribuée à Foch le confirme : l’aviation a d’abord été considérée par les états-majors comme peu utile même pour les opérations de reconnaissance. Les premiers mois de la guerre ont rapidement prouvé le contraire : cela a été reconnu à Mons par le général John French ou par le général Joseph-Simon Gallieni pendant la première bataille de la Marne.

 

Ancêtre du GPS ?

Les avions étaient également utilisés pour guider les tirs d’artillerie et les pilotes observateurs, positionnés à un endroit stratégique entre le canon et la cible, voyaient souvent passer très près (trop près…) les obus de leur propre camp.

 

Nikon, non plutôt canon !

L’observation aérienne pour guider les tirs d’artillerie devint si importante qu’à Verdun, un élément de la stratégie du général allemand Erich von Falkenhayn, commandant en chef des forces allemandes, consista à aveugler l’artillerie française en détruisant systématiquement les ballons et les avions d’observation français. Les pertes furent considérables et les aviateurs qui assuraient cette tâche dangereuse firent preuve d’une bravoure exceptionnelle.

 

02555 - Ballon d'observation allemand - Guerre mondiale 14-Camion et winch - ballon d'observation - Guerre 1914-1918Centenaire - 1914-1918 - Première guerre mondiale - Bataille de Verdun - Tranchées - Grande guerre - Nacelle d'observation

Ballons captifs, dirigeables et drachen : avec les cerfs-volants, les premiers vecteurs utilisés
pour la photographie aérienne. En bas, un dirigeable allemand connu sous le nom de « saucisse ».

 

La vulnérabilité des ballons et des dirigeables face aux chasseurs ennemis a finalement conforté le rôle des avions pour les missions de reconnaissance ou de guidage de l’artillerie. C’est également la reconnaissance aérienne qui détermine l’issue de la bataille de Tannenberg sur le front est. Contrairement à Von Hindenburg, le Général Alexander Samsonov n’a pas tenu compte des alertes données par ses pilotes de reconnaissance : son armée a été mise en déroute.

Dans un premiers temps, les équipages des avions de reconnaissance ne sont pas armés mais cherchent vite des solutions pour affronter les avions ennemis qu’ils rencontrent sur leur chemin : cela paraît incroyable mais cela commence par des duels au pistolet et au fusil… Le 5 octobre 1914, un avion français Voisin III descend un Aviatik B.1 allemand : c’est l’observateur qui fait feu avec une mitrailleuse Hotchkiss.

 

Guerre 14-18 - Ballon - observateur dirigeant l'artilleriePhotographie à partir de la nacelle d'un ballon d'observation

 

Progressivement, on perfectionne les avions, leur motorisation et leur armement, avec par exemple la mitrailleuse qui tire à travers l’hélice, adaptée en avril 1915 par Roland Garros sur son Morane-Saulnier. Le dispositif est copié par les allemands lorsque l’avion de Garros est abattu sans qu’il ait le temps de le détruire.

Ou les progrès des moyens de communication… C’est par exemple le lieutenant-artilleur Paul-Louis Weiller qui proposera d’installer un émetteur morse dans les avions de reconnaissance en liaison avec un récepteur au niveau de la batterie d’artillerie pour guider les tirs à longue portée.

 

Image à la carte

Les observateurs, qu’il s’agisse du pilote ou d’un passager, ont fort à faire : les appareils photographiques sont d’abord tenus à bout de bras. Ils sont progressivement installés grâce à des trappes dans la carlingue. On invente également les camions photographiques utilisés pour développer les photographiques sur place dès l’atterrissage de l’avion. Le délai entre la prise de vue et la remise des photographies interprétées descend à quelques heures, un peu comme les stations de réception directe des images satellites utilisées aujourd’hui pour les opérations en temps réel (par exemple pour la surveillance maritime).

 

Avion d'observation - 1914-1918 - caméra embarquéeUtilisation d’un appareil photographique de 50 cm de focale par l’observateur à bord
d’un avion de reconnaissance

 

Tu veux ma photo ?

Un des freins au développement de l’usage opérationnel de la photographie aérienne par l’artillerie est la vétusté des cartes de l’époque : certaines n’ont pas été mises à jour depuis cinquante ans. Lorsque les officiers d’artillerie prennent connaissance des images toutes fraîches ramenées par les aviateurs, ils sont parfois incapables de se repérer sur les cartes d’état-major qu’ils ont entre les mains.

 

A côté de la plaque

C’est toujours Weiller qui propose l’idée de chantier de mises à jour de cartes, demandant des collectes beaucoup plus systématiques d’images aériennes. Les plaques de verres qu’il faut changer à chaque image sont progressivement remplacées par des films de grande longueur permettant de faire des prises de vue panoramique. Les équipes de développement et d’interprétation deviennent plus nombreuses. Aviateurs et artilleurs commencent à s’entendre…

 

Caméra au point

On passe également de la prise de vue oblique adaptée au guidage de l’artillerie ou des prises de vue verticales qui sont l’ancêtre de nos mosaïques d’images numériques ortho-rectifiées. A côté des missions tactiques, on voit apparaître des usages plus stratégiques jusqu’au renseignement en profondeur loin derrière les lignes ennemies. Les caméras de prise de vue se perfectionnent avec des focales adaptées à chaque type de mission : 26 cm, 50 cm ou 120 cm. Bien entendu, en parallèle, les techniques de camouflage, y compris les tunnels d’accès aux tranchées, se perfectionnent également.

 

01681 - Appareils photographiques d'observation françaisSchéma appareil photographique - 26 cm - 1916Quelques exemples d’appareils de prises de vue français avec différentes focales utilisés
pendant la première guerre mondiale. En bas, schéma de l’appareil de 26 cm de focale

 

Tout au long de la guerre, les missions de reconnaissance et de guidage de l’artillerie, ou les attaques des premiers « chasseurs » pour les neutraliser, ont représenté de loin la plus grande utilisation des moyens aériens : par exemple, plus de la moitié du total des victoires à l’actif de l’as allemand Manfred von Richthofen étaient contre des avions d’observation et de reconnaissance.

L’aviation a finalement connu un développement fulgurant pendant la première guerre mondiale. La France possédait ainsi seulement 140 avions au début de la guerre. Quatre ans plus tard, leur nombre atteignait 4500. Un nombre élevé ? Pas tant que cela si on pense que 68000 avions ont été produits et que plus des trois quarts ont été perdus au combat. Quel que soit le théâtre d’opération, l’avion devient indispensable : la Royal Navy prend possession de son premier porte-avion en 1917.

Si l’aviation a joué un rôle aussi déterminant dans les conflits suivants (la seconde guerre mondiale par exemple), c’est parce que tous les types de missions ont été « expérimentés » entre 1914 et 1918 : observation et reconnaissance, duels aériens, bombardements et attaques au sol, guerre navale. Même le transport d’agents de renseignements derrière les lignes ennemies a été fait parfois par avion. Des pilotes comme Védrines et Guynemer y ont participé avant l’offensive de l’automne 1915 en Champagne.

 

Georges Guynemer - Avion - Guerre mondiale 14-18Georges Guynemer aux commandes de son avion

 

Les futurs avions espions U2 et les premiers satellites d’observation ont très certainement une partie de leurs gènes qui provient de l’héritage de la photographie aérienne de la première guerre mondiale.

 

02584 - Tranchées - La villes aux bois - 6 avril 1917 02645 - Somme - Septembre 1916 - Tranchées 

Deux photographies aériennes de réseaux de tranchées avec les trous d’obus d’artillerie.
En haut, la Ville-aux-bois dans le département de l’Aube au sud-ouest de Saint-Dizier.
Image prise le 6 avril 1917. En bas, dans la Somme en septembre 1916.

 

Bombardement Viaduc dannemarie - Photo aérienne - 02656Photographie aérienne du viaduc de Dannemarie dans le Haut-Rhin. Ce pont ferroviaire construit entre
1855 et 1858 a été détruit puis reconstruit à quatre reprises, en 1870, en 1915, en 1915 et en 1944.

 

En savoir plus (sources utilisées et liens intéressants) :

 

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